Les prothèses auditives

Voyons maintenant les possibilités offertes par les prothèses auditives.

Pour comprendre comment fonctionne la plupart d'entre elles, il faut avoir à l'esprit leur schéma général. Une prothèse auditive est formée de quatre éléments successifs:

  • l'alimentation
  • L'alimentation, tout d'abord: c'est habituellement une pile, parfois - essentiellement sur les implants cochléaires - une batterie rechargeable séparément sur le secteur: jamais le sujet ne doit être directement en contact avec le secteur, à moins d'une unité d'isolement complexe et volumineuse, qu'il serait hors de propos d'employer pour une prothèse auditive. C'est cette alimentation qui est responsable des trois quarts du volume de l'appareillage et de son poids, malgré toute la miniaturisation dont ses éléments ont bénéficié. Son importance dépend de la durée d'autonomie et de la puissance de la prothèse elle-même, c'est-à-dire du travail que celle-ci va effectuer:

    une prothèse use d'autant plus d'énergie que la surdité qu'elle doit pallier est plus sévère ou plus complexe.

    le microphone

    Le microphone capte le signal extérieur, c'est-à-dire la parole ou la musique, ou les bruits de l'environnement du patient. Les plus petits, qui sont aussi très sensibles, sont à peine gros comme une tête d'allumette.

    Il en existe deux types:

  • le transducteur, qui traite le signal sonore
  • Le transducteur, on devrait plutôt dire le traducteur, est l'élément caractéristique de la prothèse. C'est là où s'effectue les modifications - on parle de "traitement" - du signal sonore d'entrée, qui vont le transformer en un signal de sortie mieux adapté aux possibilités particulières de chaque patient.

    le haut-parleur

    Le haut-parleur est une petite membrane qui vibre sous l'action du courant électrique venu d'une transducteur. Elle crée ainsi des vibrations, la plupart du temps aériennes.

    Plus le haut-parleur est petit, moins il sera fidèle.

    Or, nous l'avons vu, une prothèse auditive pour être bien acceptée doit être la plus petite possible.

    Il y a là donc un conflit permanent, dans lequel l'esthétique prime malheureusement le plus souvent (nous avons vu pourquoi le sourd veut masquer son handicap) . L'écouteur et le traitement du signal sont généralement les grands perdants de ce conflit.

    Aussi les audioprothésistes savent-ils user de milles secrets - qui font que leur métier est encore un art - au niveau de l'embout qui pénètre le conduit auditif externe, pour augmenter l'efficacité de ce haut-parleur.

    L'effet Larsen

    Une des grandes difficultés de l'appareillage audioprothétique est l'apparition d'un effet Larsen. Il faut en rappeler le mécanisme:

    lorsque le haut-parleur est tout prêt du microphone, et lorsque l'amplification est assez importante, le son émis par le haut-parleur est entendu par le micro. Celui-ci amplifie à nouveau le signal et ainsi s'établit un cercle vicieux, créant une boucle infernale aboutissant à un sifflement strident. C'est à cause de cet effet Larsen que les prothèses miniaturisées cachées dans le fond du conduit ne peuvent pas bénéficier d'une amplification importante. Dans d'autres cas cet effet Larsen survient parce que le sujet est très sourd. Il suffit que l'embout qui amène le son dans le fond du conduit auditif externe ne soit pas très étanche, pour que les sons du haut-parleur s'échappent, et soient captés par le microphone, pour que se déclenche l'effet Larsen. La prothèse se met alors à siffler. L'entourage s'en plaint, bien que souvent le malade soit trop sourd pour s'en rendre compte.

    Les différents types de prothèses

    Les prothèses sont à peu près toutes construites sur ce schéma général. Mais il en existe de nombreux types que nous allons envisager rapidement.


  • les prothèses amplificatrices à conduction aérienne
  • Les plus répandues sont les prothèses amplificatrices à conduction aérienne. Elles délivrent un signal fait de vibrations aériennes transmises au conduit auditif externe pour agir directement sur les structures de l'oreille moyenne.

    En général le transducteur de ces prothèses possède plusieurs propriétés.

    Tout d'abord il écrête le signal d'entrée, c'est-à-dire qu'il coupe tout ce qui est au-dessus de 100 décibels. Ces sonorités intenses en effet n'ont pas d'importance sur le plan de l'information et risqueraient d'être traumatisantes pour le patient

    Ensuite il amplifie le signal sonore. Mais il l'amplifie en tenant compte du recrutement du malade, c'est-à-dire qu'il fait en sorte qu'à la sortie du haut-parleur le signal maximum ne puisse pas dépasser le seuil douloureux du patient. Ce procédé, appelé compression, mettait toujours un certain temps à se déclencher sur les prothèses anciennes, qui étaient analogiques, jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix, ce qui expliquait que les bruits violents restaient malgré tout souvent désagréables pour le sourd. L'amplification se faisait très communément avec un seul filtre, dont on pouvait faire varier légèrement les constantes à l'aide d'un système de réglage. Ceci permettaitde rapprocher l'amplification de la courbe auditive du patient. Mais cette adaptation était très approximative.

    La numérisation de ces prothèses est une retombée directe de la technologie des implants cochléaires.

    Elle a permis d'obtenir une compression presqu'immédiate, et surtout de voir apparaitre des prothèses présentant jusqu'à huit canaux indépendant, qui permettent d'amplifier de manière sélective les graves, les médiums, et les aigus de façon spécifique.

    Ces prothèses à amplification aérienne possèdent une ergonomie, c'est-à-dire un aspect esthétique multiple.

    La plus séduisante, celle qui a priori plaît le plus aux patients, est le système intra-auriculaire, dont il existe divers modèles, plus ou moins bien cachés dans le conduit auditif externe. De face en effet la prothèse n'est pas visible. Mais de profil on voit tout de même, dans le creux de l'oreille, dépasser le cône de l'appareil, qui contient en particulier la pile et les deux ou trois boutons de réglage. L'inconvénient de ces prothèses, dont les plus petites sont dites aussi "intra-canal", est que l'électronique y est forcément simplifiée, et l'amplification ne peut pas être très importante, à cause du risque d'effet Larsen.

    Tout aussi connues mais moins appréciées sont les prothèses rétro-auriculaires, les fameuses BTE (Behind The Ear) des auteurs anglo-saxons. Le corps de la prothèse ressemble aux deux premières phalanges d'un doigt. Il se trouve caché derrière le pavillon, maintenu à cheval sur le haut de l'oreille par un tube en plastique creux, qui conduit les sons issus du haut-parleur jusque dans le fond du conduit rendu étanche par un embout moulé.

    Ces prothèses ont la réputation d'être plus visibles que les précédentes. Elles ont aussi l'inconvénient de tenir un peu moins bien en place que les prothèses intra-auriculaires.

    Mais l'électronique qu'elles contiennent permet une sophistication bien plus poussée. Les récentes prothèses les plus perfectionnées sont des prothèses rétro-auriculaires.

    Intermédiaires à ces deux types de prothèses rétro-auriculaires et intra-canal existent aussi des prothèses intraconques. Ce sont des sortes de prothèses intra-canal dépassant largement dans la conque, au sein desquelles on peut placer une électronique un peu plus importante.

    les prothèses amplificatrices à conduction osseuse

    D'autres prothèses transmettent l'information sonore, non pas par voie aérienne, mais par mise en route d'une vibration osseuse. Il s'agit essentiellement de vibreurs appliqués sur l'arrière de l'oreille contre la mastoïde.

    Ces vibreurs sont généralement fixés sur l'extrémité d'une branche de lunettes, dont les verres sont souvent factices, ou au contraire adaptés à la vue du sourd. Ces prothèses à conduction osseuse s'adressent aux surdités inappareillables par conduction aérienne en raison d'un écoulement important dû à une otite chronique responsable de la surdité.

    Mais pour qu'elles soient efficaces, il faut que l'oreille interne du patient soit pratiquement indemne.

    Ces prothèses doivent être bien appliquées sur la peau qui recouvre l'os pour transmettre correctement les vibrations. C'est un inconvénient, car très souvent l'élasticité de la branche de lunettes qui applique le vibreur s'affaiblit, et diminue d'autant la transmission sonore.

    les prothèses amplificatrices à ancrage osseuse

    Il y a quelques années sont apparues des prothèses à vibration osseuse obtenue par ancrage du vibreur directement dans l'os. Il s'agit d'un support en carbone titane vissé à force dans l'épaisseur de l'os mastoïdien. Ce support émerge de la peau rétro-auriculaire exactement comme émerge de la gencive le support d'un implant dentaire placé dans l'os maxillaire.

    Dans ces prothèses à vibration osseuse, l'écouteur est remplacé par une masse généralement métallique, qui transmet les vibrations électromagnétiques à laquelle elle est soumise, directement à l'os au contact duquel elle se trouve.

    L'un de ses avantages consiste dans le fait que la perte de puissance liée à l'effet "édredon" de la peau, lorsqu'on emploie un vibreur rétro-mastoïdien, est supprimée, puisque le vibreur est placé directement sur la vis intra-osseuse.

    La très bonne tolérance de ce matériau incrusté dans l'os fait qu'il y a très peu de surinfections cutanées au voisinage. De cette manière on peut appareiller les grandes aplasies d'oreilles, dans lesquelles la chirurgie est peu efficace. De plus cette technique représente une alternative onéreuse, mais très efficace dans les indications des prothèses par conduction osseuse avec vibreur mastoïdien.

    les prothèses amplificatrices d'oreille moyennes semi-implantées

    Depuis quelques vingt années Japonais et Américains ont repris une vieille idée qui consistait à transmettre directement les vibrations du haut-parleur à l'un des osselets, l'enclume ou l'étrier. Le signal de sortie du transducteur de la prothèse est un signal électromagnétique. Ce signal électrique est transmis à travers la peau grâce à une simple antenne comportant quelques tours de spires, à une autre antenne placée à l'intérieur de l'oreille dans la mastoïde.

    Les variations de courant, reflets des vibrations du message sonore, sont appliquées sur un des osselets:

    Les mouvements de ces matériaux traduisent fidèlement la vibration du signal sonore, et réalisent une vibration, qui est transmise directement à l'osselet que l'on veut mobiliser.

    Cette technique a l'avantage de réaliser une véritable transmission haute-fidélité, évitant toutes les distorsions apportées par l'air du conduit et la transformation d'une vibration aérienne en une vibration solide.

    Actuellement, seul le système américain est disponible, selon d'ailleurs deux modalités techniques différentes.

    symphonics

    L'efficacité et l'avancée commerciale de ces deux produits sont telles, qu'il n'est pas certain que le système japonais voie réellement le jour, quelle qu'ait pu être son avance clinique dans les années quatre-vingt-dix.

    Les systèmes vibro-tactiles

    Les systèmes vibro-tactiles font appel aux sensations cutanées.

    Il s'agit de prothèses dont le haut-parleur est remplacé par un vibreur. Celui-ci est un peu analogue à celui d'une prothèse à conduction osseuse, mais il est placé généralement sur le poignet.

    Les systèmes vibro-tactiles s'adressaient aux surdités totales n'ayant aucun restes auditifs amplifiables. Ils permettaient d'apporter par la peau des informations conceranant l'intensité et le ryhtme de la parole. Mais celles-ci ne pouvaient être que très rudimentaires, car les terminaisons sensorielles du tact - les corpuscules de Pacini - ne permettent pas de distinguer des fréquences supérieures à 300 hz.

    Néanmoins ces appareils pouvaient être d'un certain secours pour faciliter la lecture labiale.

    Des formes sophistiquées de systèmes vibro-tactiles ont même été construites, qui permettaient de transmettre dans une certaine zone cutanée les graves, dans une zone voisine les médiums, et dans une autre un peu plus éloignée les aigus.

    Mais ces prothèses, par ailleurs encombrantes et peu fiables, n'ont jamais connu un grand développement notamment en France.

    En outre ils sont maintenant devenus pratiquement complètement obsolètes depuis l'arrivée des implants cochléaires.